Être roux : une histoire de préjugés

Pas toujours facile d’être roux. À cause de cette couleur de cheveux si rare, les roux sont encore souvent victimes de préjugés. Mais pourquoi certains de ces clichés nous collent-ils toujours à la peau ?

« Ni blonds, ni bruns, les roux sont des gens à part. Ils font partie de ces minorités qui se définissent par le regard que les autres portent sur elles. »

C’est ainsi que Xavier Fauche entame son ouvrage Roux et rousses – Un éclat très particulier (Découvertes Gallimard). Il rappelle ici à quel point nous autres roux, avons dû apprendre à faire face à cette singularité que la nature nous avait imposée.

Certains en auront beaucoup souffert, d’autres auront essuyé quelques moqueries sans trop s’y arrêter. Éducation, tempérament, soutien familial et amical sont des facteurs décisifs dans l’acceptation de soi.

Mais si chaque parcours est différent, les attaques, elles, semblent rester immuables, comme figées dans l’inconscient collectif : « Les roux sont moches », «Les rousses sont chaudes », « Les roux sentent mauvais quand il pleut ». La liste, si longue, ressasse au fond l’éternel même refrain : « Votre différence nous inquiète, nous déstabilise. Mais elle est aussi là pour nous rassurer et nous rappeler que nous, nous sommes normaux. »

L’objet de cet article ne sera pas d’égrainer les préjugés dont nous avons tous été victimes au moins une fois.

Non, je ne disserterai pas sur le fait qu’une amie de ma fille a refusé de venir chez moi parce que j’étais rousse (véridique !). Je ne vous listerai pas non plus les roux bibliques, les roux mythologiques et tous les autres que l’histoire a préféré sacrifier sur l’autel de l’ignorance.

Je vous proposerai plutôt ici quelques pistes pour comprendre l’origine même du malentendu qui semble persister entre nous… et les autres…

Le roux : une couleur que l’on ne peut cacher

Xavier Fauche rappelle dans un premier temps le caractère symbolique de la chevelure, toutes couleurs confondues : attribut à caractère sexuel (Dalila qui, dans un acte castrateur, coupe les cheveux de Samson) ou  encore passerelle avec l’au-delà (Mahomet attirant ses disciples par une mèche que ceux-ci laissaient au sommet de leur tête), les nombreux exemples apportés par l’auteur montrent à quel point les cheveux sont porteurs de multiples connotations culturelles et religieuses. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les Indiens scalpaient leurs ennemis ?

Se superpose alors dans notre cas la symbolique des couleurs.

Les interprétations sont ici multiples car l’orange naît du mélange entre jaune et rouge : lorsque ce dernier  symbolise la passion, le résultat sera « attirant, sensuel et séduisant » mais s’il s’agit d’un « mauvais » rouge, la couleur obtenue sera « celle du feu impur qui brûle en enfer », celle « de la violence et du mal ».

Rapportée aux saisons, si le jaune est la couleur du soleil et de l’été, l’orange serait celui de l’automne, qui précède l’hiver. « La couleur est donc implicitement annonciatrice de mort »…

Les préjugés, une histoire de palette ? Oui mais pas seulement ça…

Mais d’où il sort, ce « rouquin » ?

Le gène de la rousseur étant récessif, il arrive même parfois qu’un enfant roux soit ramené à sa différence au sein même de sa famille.

Au-delà de la couleur de cheveux, c’est la différence qui est pointée du doigt. Dérangeante et pesante par les questionnements qu’elle suscite, elle peut, lorsqu’elle est mal acceptée, être à l’origine de profonds traumatismes.

Lorsqu’elle évoque son enfance dans Et je la voudrais nue… (Grasset, 1979), Sonia Rykiel écrit : « Toute petite, derrière moi, il y avait mes sœurs. Elles étaient belles, je ne l’étais pas. J’étais différente. Rousse. Ponctuée, accentuée, signalée. J’ai vécu cette anormalité comme un combat. »

Dans les cas les plus tragiques, l’enfant roux peut parfois être considéré comme un enfant venu de nulle part ou du moins le ressentir comme tel. Or la construction identitaire passe en premier lieu par le sentiment d’appartenance au groupe famille.

La couleur rousse, par le mystère qu’elle déploie, est une source de questionnements et de curiosité depuis la nuit des temps. Caprices de la génétique et représentations chromatiques souffrant d’ambiguïtés nous rendent parfois la vie difficile.

Mais n’est-il pas appréciable de penser que nous suscitons tant d’interrogations et de fantasmes ? Il me plaît de savoir que ma couleur de cheveux a inspiré tant d’écrivains. Tout comme cela m’amuse de découvrir que des études sont menées sur notre possible extinction ou notre sensibilité à la douleur.

Laissons nos détracteurs jaser et nos soupirants imaginer. Nous sommes roux, et alors ?

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